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de notre nom, tandis que l’autre, lui, était cruel et dur.

Je m’approchai du premier : « — Ô antique Massinissa, par ton cher Scipion, et par celle-ci, commençai-je, ne te fâche pas de ce que je dis. — »

Il me regarda et dit : « — J’apprendrais d’abord volontiers qui tu es, puisque tu as si bien connu mes deux affections. — »

« — Ce que je suis, — lui répondis-je, — ne mérite pas d’être connu par un homme tel que toi, car une petite flamme ne peut projeter aussi loin une grande lumière.

« Mais ta royale renommée arrive partout ; et tel qui ne te verra jamais, ou ne t’a jamais vu, s’attache à toi par un beau lien d’amour.

« Or, dis-moi, puisque celui-ci vous mène en paix. (Et je montrai leur capitaine), quel est ce couple qui me semble compter parmi les choses rares et fidèles ? — »

« — Ta langue, si prompte à prononcer mon nom, prouve, — dit-il, — que tu le sais par toi-même. Mais je te le dirai pour soulager mon âme chagrine.

« Ayant placé toute mon âme sur ce grand homme, tellement qu’en cela je le cède à peine à Lélius, partout où furent ses enseignes je le suivis.

« La fortune lui fut toujours favorable ; mais non cependant comme le méritait la valeur dont, plus qu’un autre, il eut l’âme pleine.

« Après que les armes romaines se furent répandues à son grand honneur jusqu’à l’extrême occident, Amour survint qui nous enchaîna tous les deux.

« Et jamais plus douce flamme en deux cœurs ne brûla, ni ne brûlera, je crois. Mais hélas ! pour satis-