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CANZONE VII.

Amour, pour se disculper, fait le plus bel éloge de Laure.

Ce doux et impitoyable seigneur qui est depuis longtemps le mien, ayant été cité par moi devant la reine qui possède la portion divine de notre nature et en occupe le sommet, je m’y présente semblable à l’or qui s’affine dans le feu, chargé de douleur, de crainte et d’horreur, comme un homme qui craint la mort et demande justice ; et je commence : « — Madame, tout jeune, je mis le pied gauche dans le royaume de celui-ci, dont je n’ai jamais obtenu que colère et dédain ; et j’y ai souffert tant et de si divers tourments, qu’à la fin ma patience, bien qu’infinie, fut vaincue, et que j’en eus la vie en haine.

«  Ainsi mon temps s’est jusqu’ici passé dans la flamme et dans les peines ; et combien de voies utiles et honnêtes, combien de joies j’ai dédaignées, pour servir ce trompeur cruel ! Et quel esprit a les paroles assez promptes pour pouvoir résumer mon état infortuné, et les reproches si nombreux, et si graves et si justes que j’ai faits de cet ingrat ? Oh ! j’ai goûté peu de miel, et beaucoup d’aloès mêlé au fiel. En quelle amertume il a jeté ma vie, avec sa fausse douceur qui m’entraîna vers l’amoureuse troupe ! Car, si je ne me trompe, j’étais disposé à m’élever au-dessus de la terre ; et il m’a enlevé à la paix et m’a livré à la guerre.

« Il m’a fait moins aimer Dieu que je ne devais, et avoir moins soin de moi-même ; pour ma dame, j’ai eu toute pensée en un égal dédain. En cela, lui seul a été mon conseiller, aiguisant sans cesse le juvénile désir à l’impitoyable pierre où j’espérais me reposer