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et de me suivre, s’il est vrai que tu m’aimes tant, cueillant désormais quelques-uns des rameaux que voici ! — »

« — Je voulais demander — réponds-je alors — ce que veulent signifier ces deux feuillages. — » Et elle : « — Toi-même tu réponds, toi dont la plume a tant honoré l’un d’eux. La palme, c’est la victoire ; et moi, jeune encore, j’ai vaincu le monde et moi-même ; le laurier est le signe du triomphe dont je suis digne, grâce à ce Seigneur qui me donna la force. Maintenant toi, si quelqu’un te fait violence, tourne-toi vers lui, demande-lui secours, afin que nous soyons avec lui à la fin de ta course. — »

« — Sont-ce là ces cheveux blonds et ce nœud doré — dis-je — qui me lie encore, et ces beaux yeux qui furent mon Soleil ? — » « — Ne divague pas avec les sots ; ne parle pas — dit-elle — et ne crois pas à leur façon. Je suis un pur esprit, et je me réjouis dans le ciel. Ce que tu cherches est déjà réduit en terre depuis longues années ; mais pour te tirer d’angoisse, il m’est donné de t’apparaître ainsi. Et, plus belle que jamais, et à toi plus chère, je serai encore une autre fois celle que je fus, quand, si sauvage et en même temps compatissante, je sauvegardais à la fois ton salut et le mien. — »

Je pleure, et elle avec ses mains m’essuie le visage ; et puis elle soupire doucement ; et elle s’afflige avec des paroles capables de rompre les rochers ; et après cela, elle part et le sommeil avec elle.