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Mon doux laurier, où avait coutume d’habiter toute beauté, toute ardente vertu, voyait s’asseoir chastement à son ombre mon Seigneur et ma Déesse.

Moi aussi j’ai placé le nid de mes pensées choisies sur cette belle plante ; et, dans le feu comme dans le gel, tremblant et brûlant, j’ai été très heureux.

Le monde était plein de ses mérites parfaits, alors que Dieu, pour en orner le ciel, la rappela à soi ; et c’était une chose faite pour lui.


SONNET LXVI.

Lui seul, qui la pleure, et le ciel, qui la possède, la connurent pendant qu’elle vécut.

Tu as laissé, ô Mort, le monde sans soleil, obscur et froid, Amour aveugle et désarmé, la grâce nue, les beautés impuissantes ; moi inconsolé et lourd fardeau à moi-même ;

La courtoisie exilée et l’honnêteté détruite. Je m’afflige seul, et cependant je n’ai pas seul motif de m’affliger, car tu as arraché le germe éclatant de la vertu. Maintenant que le premier mérite est éteint, qu’adviendra-t-il du second ?

L’air, et la terre et la mer devraient pleurer sur la race humaine qui, sans elle, est comme un pré sans fleur, ou un anneau sans pierre précieuse.

Le monde ne la connut pas pendant qu’il la posséda ; je la connus, moi qui suis resté ici à la pleurer, et le ciel aussi que la cause même de mes pleurs rend maintenant si beau.