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Cruelle, acerbe, inexorable Mort, tu me donnes sujet de n’être jamais joyeux, mais de passer toute ma vie dans les pleurs, mes jours dans l’obscurité, et mes nuits dans le deuil. Mes graves soupirs ne s’échappent plus en rimes, et mon dur martyre défie tout style.

À quoi est réduit mon amoureux style ? À des paroles de colère, à des entretiens de mort. À quoi sont réduits les vers, à quoi sont réduites les rimes qu’un noble cœur écoutait pensif et joyeux ? Où sont les nuits passées à deviser d’amour ? Je ne parle maintenant que de pleurs, et je ne pense pas à autre chose.

Autrefois, grâce au désir, les pleurs m’étaient si doux, qu’ils remplissaient de douceur le style le plus aigre, et me faisaient veiller toutes les nuits. Maintenant pleurer m’est plus amer que la mort, car je n’espère plus jamais revoir le regard honnête et joyeux, sublime sujet à mes rimes infimes.

Amour plaça pour mes rimes un clair signal dans les beaux yeux, et maintenant, il l’a placé dans les pleurs, me rappelant avec douleur le temps joyeux ; aussi, je vais changeant de style comme de pensée, et te priant de nouveau, pâle Mort, de me soustraire à de si pénibles nuits.

Le sommeil a fui de mes cruelles nuits, ainsi que l’harmonie de mes rimes rauques, qui ne savent traiter d’autre chose que de la mort ; ainsi mes chants se sont changés en pleurs. Le royaume d’Amour n’a pas de style si varié, car il est maintenant aussi triste qu’il fut autrefois joyeux.

Personne ne vécut jamais plus que moi joyeux ; personne ne vit plus tristes les jours ni les nuits ; et la douleur redoublant, le style redouble qui tire du