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et doux de mourir alors, quand, moi mourant, ma vie ne mourait pas avec moi, mais que survivait au contraire la meilleure partie de moi-même. Maintenant, la Mort a dispersé mes espérances, et un peu de terre pèse sur mon bien. Et je vis ; et je n’y pense jamais sans que je tremble.

Si ma faible intelligence eût été avec moi quand j’en avais besoin, et si un autre désir, en la faisant dévier, ne l’eût pas tournée ailleurs, j’aurais bien lu sur le front de ma Dame : Tu es arrivé à la fin de toute ta douceur et au commencement de tes longues amertumes. En entendant cela, doucement délivré en sa présence de mon voile mortel et de cette ennuyeuse et pesante chair, je pouvais m’en aller devant elle pour voir préparer son siège dans le ciel ; maintenant, j’irai après elle désormais et avec d’autres cheveux.

Chanson, si tu trouves un homme qui vive tranquille dans son amour, dis : Meurs pendant que tu es heureux ; car la mort qui vient à temps n’est pas une douleur, mais un refuge ; et qui peut bien mourir, ne doit pas chercher à retarder sa mort.


SIXAIN VIII.

Malheureux, il désire d’autant plus la mort qu’il se souvient d’avoir été plus content et plus heureux.

Ma bénigne fortune et une vie joyeuse, les jours sereins et les nuits paisibles, et les suaves soupirs, et le doux style qui raisonnait d’habitude dans mes vers et dans mes rimes, tout cela changé subitement en deuil et en pleurs, me fait haïr la vie et désirer la mort.