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SONNET LVI.

Le dernier jour où il la vit, il eut de tristes présages de ses malheurs futurs.

J’étais, hélas ! arrivé au dernier de mes jours heureux, que j’ai vus peu nombreux durant cette courte vie ; et mon cœur était devenu une neige attiédie, présage sans doute des jours tristes et noirs.

De même que celui que la fièvre accoutumée va assaillir, a déjà les nerfs, le pouls et la pensée malades, ainsi je me sentais, sans savoir que s’approchait rapidement la fin de mon bonheur imparfait.

Les beaux yeux, qui sont maintenant au ciel, brillants et joyeux de la lumière d’où pleut le salut et la vie, et qui ont laissé les miens ici-bas misérables et mendiants,

Leur disaient, en leur jetant de favorables et d’étranges étincelles : restez en paix, ô chers amis ; nous ne nous reverrons plus jamais ici-bas, mais nous nous reverrons ailleurs.


SONNET LVII.

Aveugle qu’il était, il ne vit pas en ce jour que les regards de Laure étaient les derniers.

Ô jour, ô heure, ô suprême moment, ô étoiles conjurées pour ma ruine ! ô fidèle regard, que voulus-tu me dire alors que je partis pour ne plus jamais goûter de satisfaction ?

Maintenant, je connais mes pertes ; maintenant, je reprends mes sens, car je croyais — ah ! croyance vaine et débile ! — perdre en partant, une partie et mon tout. Combien d’espérances emporte le vent !

Car déjà le contraire était ordonné au ciel ; je de-