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pauvri le royaume de l’Amour ; maintenant, tu as éteint la fleur, la lumière de beauté, et tu l’as enfermée en une étroite fosse.

Maintenant, tu as dépouillé et privé notre vie de tout ce qui l’ornait et de son suprême honneur ; mais la renommée et le mérite, qui jamais ne meurent, ne sont pas en ton pouvoir. Habite les os dénudés.

Leur reste, c’est le ciel qui l’a et qui se réjouit et se glorifie de son éclat, comme d’un plus beau Soleil ; et le monde des bons l’aura toujours en mémoire.

Ange nouveau, que votre cœur, au milieu d’une telle victoire, soit pris là haut de pitié pour moi, comme le mien fut vaincu ici-bas par votre beauté.


SONNET LV.

Sa douleur s’apaise de la voir heureuse dans le ciel et immortelle sur la terre.

Le souffle, et le parfum, et la fraîcheur, et l’ombre du doux laurier, et son aspect fleuri, lumière et repos de ma vie fatiguée, tout cela m’a été ravi par celle qui fauche le monde entier.

Comme le Soleil disparaît pour nous, quand sa sœur lui fait ombre, ainsi ma sublime lumière étant disparue pour moi, je demande à la Mort aide contre la Mort, tellement Amour m’accable de sombres pensées.

Tu as dormi, ô belle Dame, un court sommeil ; maintenant, tu es réveillée, parmi les esprits élus, là où l’âme se confond en son Créateur.

Et si mes rimes peuvent quelque chose, la mémoire de ton nom, consacrée parmi les nobles intelligences, sera éternelle ici-bas.