Laure lui apparaît soudain et lui fait oublier son désir effréné ; car cette vue m’enlève du cœur toute folle idée, et change toute mon indignation en douceur.
De tout ce que j’ai souffert jusqu’ici par amour, et de ce que j’ai encore à souffrir jusqu’à ce que mon cœur soit guéri par celle-là même, rebelle à la merci, qui l’a mordu et l’énamoure, j’aurai vengeance, pourvu seulement que, par orgueil et par colère, en présence de mon humilité, elle ne tienne pas fermé à clef le beau passage par lequel je suis venu à elle.
Mais la première cause de cette existence douloureuse pour moi, ce fut l’heure et le jour où je jetai les yeux sur ces beaux yeux noirs et ce beau visage blanc qui me chassèrent de mon propre cœur où Amour courut se loger ; ce fut, d’autre part, cette dame en qui notre époque se contemple, et que peuvent voir sans en être effrayés ceux-là seuls qui sont de plomb ou de bois.
Donc, aucune des larmes que j’ai versées à cause de ces traits qui, dans mon flanc gauche, ont baigné de sang mon cœur qui s’en est aperçu le premier, aucune de ces larmes ne me détourne de ma volonté d’aimer cette dame, car la condamnation est tombée sur cette partie de mon être qui l’a méritée. Mon âme soupire pour elle ; et il est bien juste que mes larmes lavent les plaies qu’elle m’a faites.
Mes pensers sont devenus étrangers à moi-même. Ainsi, jadis, pris de la même fatigue que moi, le glaive aimé se tourna contre lui-même. Pourtant, je ne prie pas ma Dame de me rendre ma liberté, car toutes les autres routes sont moins droites pour aller au ciel que celle que je suis, et certainement on ne