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tantôt à pas tremblants, elle rendait le bois, l’eau, la terre ou la pierre, vert, limpide, suave ; l’herbe, touchée par ses mains et ses pieds, redevenait plus fraîche et plus élancée ; et l’on voyait ses beaux yeux faire fleurir les campagnes, et les vents et les tempêtes s’apaiser aux balbutiements de sa langue à peine sevrée de lait, montrant clairement au monde sourd et aveugle combien elle avait déjà en elle de la lumière du ciel.

« Après que, croissant en âge et en vertu, elle fut arrivée à son troisième été fleuri, je ne crois pas que jamais le soleil ait jamais vu tant de grâce ni de beauté. Ses yeux étaient pleins d’une honnête joie, et son parler de douceur et de confort. Toutes les langues sont muettes pour dire d’elle ce que seul tu en sais. Elle a le visage si éclairé de célestes rayons, que votre vue n’a pu se fixer sur lui, et sa belle présence terrestre t’a rempli le cœur d’un tel feu, que nul autre n’a jamais plus doucement brûlé. Mais il me paraît que son départ subit te sera trop tôt un motif de vie amère. »

Cela dit, elle retourna à sa roue mobile, sur laquelle elle file notre trame, triste et infaillible devineresse de mes maux ; car, quelques années après, celle pour laquelle j’ai une telle faim de mourir, ô ma chanson, la Mort acerbe et cruelle me la ravit, et elle ne pouvait tuer un plus beau corps.


SONNET LIV.

La mort a bien pu le priver des beautés de Laure, mais non lui enlever le souvenir de ses vertus.

Maintenant, tu as été jusqu’à l’extrême limite de ton pouvoir, ô cruelle Mort ! maintenant, tu as ap-