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est maintenant délivrée, l’âme gentille n’était pas encore depuis longtemps, alors que je la vis pour la première fois ; sur quoi, je courus soudain — car c’était l’avril de l’année et de mon âge — cueillir des fleurs dans les prés d’alentour, espérant, ainsi paré, plaire à ses yeux.

Les murs étaient d’albâtre et le toit était d’or, la porte d’ivoire et les fenêtres de saphir, à l’endroit d’où me vint au cœur le premier soupir et d’où me viendra le dernier. C’est de là que les messagers d’Amour sortirent armés de flèches et de feu ; aussi, en repensant à eux, que je vois couronnés de laurier, je tremble comme si j’y étais encore. On y voyait au milieu, un siège altier, fait d’un beau diamant équarri et qui n’avait jamais été terni, et sur lequel la belle dame avait coutume de s’asseoir. Devant le siège s’élevait une colonne de cristal, au dedans de laquelle étaient écrites toutes mes pensées, et qui projetait au dehors de si clairs rayons que j’en soupirais souvent.

À l’aspect de ces armes aiguës, ardentes et pleines d’éclat, de la victorieuse et verte bannière contre laquelle Jupiter, et Apollon, et Polyphème et Mars reculent en champ clos, je compris que j’étais venu là où les pleurs sont toujours nouveaux et reverdissent sans cesse ; et ne pouvant me défendre, je me laissai emmener prisonnier en un lieu d’où je ne sais pas aujourd’hui par quelle voie et par quel artifice on sort. Mais comme il arrive parfois qu’un homme pleure et voie en même temps une chose qui lui réjouit les yeux et le cœur ; ainsi, celle pour qui je suis en prison, et qui seule en sa vie fut une chose parfaite, se tenant sur un balcon, je me mis à la con-