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Voyant la nuit obscure envelopper les collines d’où tu pris ton dernier vol vers le Ciel, et où tes yeux avaient coutume de faire le jour.


CANZONE III.

Il décrit allégoriquement les vertus de Laure, et pleure sa mort prématurée.

Me tenant un jour, seul, à la fenêtre, d’où je voyais tant de choses et si nouvelles que rien que de les regarder j’étais déjà quasi fatigué, une bête m’apparut à main droite, avec un visage humain à enflammer Jupiter. Elle était chassée par deux lévriers, l’un noir et l’autre blanc, qui mordaient si fortement les deux flancs de la noble bête, qu’en peu de temps ils la menèrent au trépas ; alors sa grande beauté, enfermée sous une pierre, fut vaincue par la mort acerbe, et sa cruelle destinée me fait soupirer.

Ensuite, je vis sur la haute mer un navire aux cordages de soie et à la voile d’or, et tout entier construit d’ivoire et d’ébène. Et la mer était tranquille, et le ciel était ce qu’il est quand aucun nuage ne le voile ; le navire était chargé de précieuse et riche marchandise. Puis, soudain, une tempête, venue d’Orient, troubla tellement les airs et les flots, que le navire frappa sur un écueil. Oh ! quelle poignante désolation ! il suffit d’un court instant pour engloutir, d’un étroit espace pour cacher à jamais les sublimes richesses à nulle autre secondes.

En un joli bosquet florissaient les saints rameaux d’un laurier jeune et svelte, qui paraissait être un des arbres du paradis. Et de son ombre sortaient de si doux chants d’oiseaux divers, et tant d’autres délices, qu’ils m’avaient entièrement séparé du monde.