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SONNET LII.

Il revoit Vaucluse où tout lui parle d’elle. Il songe alors au passé et s’attriste.

Je sens ma brise des anciens jours, et je vois apparaître les douces collines où naquit la belle lumière, qui, tout le temps qu’il plut au ciel, tint mes yeux pleins de désirs et joyeux, et qui maintenant les rend tristes et humides de pleurs.

Ô caduques espérances ! ô folles pensées ! les herbes sont veuves et les eaux sont troublées ; et vide et froid est le nid où elle reposa, et dans lequel, vivant et mort, j’ai voulu reposer moi aussi,

Espérant enfin de ses pieds si doux, et de ses beaux yeux qui m’ont brûlé le cœur, quelque repos après tant de fatigues.

J’ai servi un maître cruel et avare ; car j’ai brûlé tant que mon feu a été devant moi ; et maintenant je vais pleurant sa cendre dispersée.


SONNET LIII.

La vue de la maison de Laure lui rappelle combien il fut heureux, et combien il est misérable.

Est-ce là le nid où a posé ses plumes d’or et de pourpre mon phénix, qui tint mon cœur sous ses ailes, et qui en tire encore et paroles et soupirs ?

Ô première racine de mon doux mal, où est le beau visage d’où provint la lumière qui, me brûlant, m’a gardé vivant et joyeux ? Tu étais unique sur la terre ; maintenant, tu es heureuse dans le ciel.

Et tu m’as laissé ici, misérable et seul, de sorte que, rempli de douleur, je reviens sans cesse vers le lieu que j’honore et que je vénère comme sacré par toi,