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SONNET XLIX.

Il a perdu en un instant cette chère paix qui devait être la récompense de son amour.

Amour avait montré un port tranquille à ma longue et furieuse tempête, dans les années de l’âge mûr et chaste qui se dépouille des vices et se revêt de vertu et d’honneur.

Déjà mon cœur devenait plus visible aux beaux yeux, et ma foi profonde leur était moins importune. Ah ! Mort cruelle, comme tu es prompte à arracher en si peu d’heures le fruit de mainte année !

Pourtant, si elle eût vécu, j’arrivais au moment où j’aurais pu, en lui parlant, déposer dans ses chastes oreilles l’antique fardeau de mes douces pensées ;

Et où elle m’aurait peut-être répondu, en soupirant, quelque sainte parole, nos visages et nos cheveux étant l’un et l’autre changés.


SONNET L.

Il a l’image de Laure si vivement gravée au cœur, qu’il lui parle comme si elle était présente.

À la chute d’une plante qui a été arrachée comme celle que le fer ou le vent déracine, répandant à terre les dépouilles de sa partie supérieure, et montrant au soleil sa tige desséchée,

J’en vis une autre qu’Amour prit pour objet, et à qui Calliope et Euterpe m’ont donné comme sujet, car elle m’a envahi le cœur et y a établi sa propre demeure, de même qu’un lierre fait pour un tronc d’arbre ou pour un mur.

Ce Laurier vivant, où avaient coutume de faire leur