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et j’étais arrivé au point où la vie descend, pour finir par tomber.

Déjà ma chère ennemie commençait à se rassurer peu à peu de ses soupçons, et sa douce honnêteté tournait en jeu mes peines acerbes.

Le temps était proche où Amour se rencontre avec la Chasteté, et où il est permis aux amants de s’asseoir ensemble et de parler de ce qui leur arrive.

La Mort envia mon heureux état, ou plutôt mon espoir, et elle vint à sa rencontre au milieu du chemin, comme un ennemi armé.


SONNET XLVIII.

Si elle vivait maintenant, il pourrait s’entretenir librement avec elle.

Il était temps désormais de trouver paix ou trêve en une telle guerre ; et j’étais peut-être en voie de la trouver, n’eût été que celle qui nivèle nos conditions inégales, rejeta en arrière mes pas joyeux.

Car, de même que le brouillard se dissipe au vent, ainsi elle a traversé rapidement sa vie, celle qui me guida autrefois avec ses beaux yeux, et qu’il me faut maintenant suivre avec la pensée.

Il nous restait peu de temps à attendre ; car les années changeaient nos cheveux et nos habitudes ; aussi, je n’avais pas éveillé le soupçon en m’entretenant avec elle de mon mal.

Avec quels chastes soupirs je lui aurais dit mes longues peines, qu’elle voit maintenant du ciel, j’en suis sûr, et dont elle s’afflige encore avec moi !