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soupçon ! Ces deux belles lumières, bien plus éclatantes que le soleil, qui eût jamais pensé les voir devenir une terre obscure ?

Maintenant je reconnais que ma cruelle destinée veut que je vive dans les larmes, pour apprendre comment il n’est rien ici-bas de plaisant et de durable.


SONNET XLIV.

Rien ne peut plus le consoler, sinon l’espoir de mourir afin de la revoir.

Ni dans le ciel serein la marche des errantes étoiles, ni sur la mer tranquille les navires goudronnés, ni par les campagnes les cavaliers en armes, ni par les bois les bêtes agiles et joyeuses ;

Ni les fraîches nouvelles d’un bien attendu ; ni les récits d’amour en un style noble et orné ; ni parmi les claires fontaines et les prés verdoyants, les doux chants des honnêtes et belles dames ;

Ni autre chose ne m’arrivera jamais au cœur, si bien dût-elle l’ensevelir avec elle, celle qui fut seule pour mes yeux une lumière et un miroir.

Vivre m’est un ennui si grave et si long que j’appelle la fin à cause du grand désir de revoir celle qu’il eût mieux valu ne pas voir.


SONNET XLV.

Il désire être réuni à celle qui, le privant de tout bien, lui a encore ravi le cœur.

Le temps est désormais passé, hélas ! où j’ai vécu au milieu du feu dans une fraîcheur si grande ; elle n’est plus, celle sur qui j’ai pleuré et écrit ; mais elle m’a bien laissé la plume et les larmes.

Il n’est plus, le visage si gracieux et si saint ; mais