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a tourné en amertume les saintes douceurs dont j’ai autrefois vécu, et qui maintenant me consument et me détruisent.

Plusieurs fois depuis, j’ai essayé en vain de dépeindre dans mes chants au siècle qui viendra, ses hautes beautés, afin qu’il les aime et les apprécie ; mais je n’ai pu faire revivre son beau visage dans mon style.

Cependant je m’enhardis à esquisser tantôt une, tantôt deux des beautés qui, lui appartenant en propre et non à d’autres, furent répandues en elle comme les étoiles au ciel.

Mais quand j’arrive à la partie divine qui fut un court et brillant soleil pour le monde, là viennent à manquer l’audace, le génie et l’art.


SONNET XLI.

Laure a été un véritable miracle de beauté ; il lui est donc impossible de la décrire telle qu’elle fut.

Le sublime et nouveau miracle qui, de nos jours, apparut au monde et ne voulut pas rester avec lui — car le ciel ne fit que nous la montrer, puis la rappela à lui pour orner ses chœurs étoilés —

Amour veut que je le dépeigne et que je le montre à qui ne le vit pas, Amour qui tout d’abord me délia la langue, puis mille fois en vain mit en œuvre génie, temps, plumes, parchemins et encre.

Mes rimes ne sont pas encore parvenues au faîte ; je le sens en moi, et quiconque jusqu’ici a parlé d’amour ou en a écrit, le sent bien aussi.

Que celui qui sait, par la pensée, discerner le vrai devant lequel tout style est impuissant, apprécie mon