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douloureux, et des yeux humides et fermés au monde qui est pour moi un désert alpestre.

Ainsi, je vais recherchant chaque contrée où je la vis ; et toi qui m’affliges, ô Amour, tu t’en viens seul avec moi, et tu me montres où il faut que j’aille.

Je ne la trouve pas ; mais je vois ces saints vestiges tournés tous vers la céleste voie, loin des lacs d’Averne et du Styx.


SONNET XXXIX.

Elle était si belle, qu’il se juge indigne de l’avoir vue, à plus forte raison de la louer.

Je pensais être assez léger sur mes ailes, non par leur propre force, mais grâce à celle qui les déploie, pour arriver en chantant à égaler ce beau nœud d’où la Mort m’affranchit, et dont Amour me lie.

Je me trouvai à l’œuvre bien plus flexible et bien plus frêle qu’un petit rameau ployé sous un grand poids ; et je dis : il court à une chute, celui qui monte trop haut ; et l’homme ne fait rien de bien si le ciel s’y refuse.

Jamais la plume du génie, et non pas seulement le style sévère ou la parole, ne pourrait voler là où vola la Nature en tissant mon doux lien.

Amour la suivit, et l’embellit avec un soin si admirable que je n’étais pas digne seulement de sa vue ; mais ce fut ma destinée.


SONNET XL.

Il essaye de dépeindre ses beautés, mais il n’ose pas dépeindre ses vertus.

Celle pour qui j’ai échangé l’Arno contre la Sorgue, et de serviles richesses contre une franche pauvreté,