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SONNET XXXV.

Il apaise sa douleur avec tous les témoins de sa félicité passée.

Amour qui, au bon temps, étais avec moi parmi ces rives propices à nos pensées, et qui, pour solder nos anciens comptes, t’en venais raisonnant avec le fleuve et avec moi ;

Fleurs, feuillages, herbes, ombres, grottes, ondes, brises suaves, vallées closes, hautes collines et plaines ouvertes, port de mes amoureuses fatigues, de mes infortunes si nombreuses et si douloureuses ;

Ô vagabondes habitantes des bois verdoyants, ô nymphes, et vous que le fond herbeux et frais du liquide cristal héberge et nourrit ;

Mes jours qui furent si éclatants, sont maintenant aussi sombres que la mort qui en est cause. Ainsi, dans le monde, chacun a sa destinée marquée du jour où il naît.


SONNET XXXVI.

Si elle n’était pas morte si jeune, il aurait chanté plus dignement ses louanges.

Tant que mon cœur fut consumé par les amoureux désirs, et brûlé par les flammes amoureuses, je cherchai par les monts solitaires et incultes, les vestiges épars d’une cruelle vagabonde.

Et j’eus l’audace, tout en chantant, de me plaindre d’Amour, et d’elle, qui me parut si dure. Mais, à cet âge, le génie et les rimes étaient rebelles aux pensées jeunes et sans forces.

Ce feu est mort, et un petit marbre le recouvre. Que si, comme chez les autres, il eût été croissant avec le temps jusqu’à la vieillesse,