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m’assaillir ; et je pâlis et je dis en soupirant : c’est là qu’est Laure maintenant.

Ô bienheureux Tithon ! tu sais bien l’heure où tu retrouveras ton cher trésor ; mais moi que dois-je faire du doux laurier ? Car si je veux le revoir, il faut que je meure.

Vos séparations ne sont pas si cruelles ; car au moins elle a coutume de revenir la nuit, celle qui n’a pas en mépris tes cheveux blancs ;

Elle fait mes nuits tristes et mes jours obscurs, celle qui a emporté mes pensées, et qui ne m’a rien laissé d’elle que son nom.


SONNET XXIV.

Il doit cesser de parler de ses grâces et de ses beautés qui n’existent plus.

Les yeux dont j’ai parlé si chaudement, et les bras, et les mains, et les pieds, et le visage qui m’avaient si bien ravi à moi-même, et avaient fait de moi quelque chose de distinct de tous les autres ;

Les cheveux crespelés, reluisant d’or pur, et l’éclair du rire angélique qui faisaient d’habitude un paradis sur la terre, sont un peu de poussière qui ne sent plus rien.

Et moi pourtant je vis ; je m’en afflige et je m’en indigne, resté que je suis sans la lumière que j’aimais tant, au milieu d’une grande tempête et sur un navire désemparé.

Or, qu’ici finisse mon chant amoureux ; la veine de mon génie habituel est tarie, et ma cithare s’est changée en pleurs.