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SONNET XV.

Les douces apparitions de Laure lui sont d’un grand secours dans sa douleur.

Tu as décoloré, ô Mort, le plus beau visage qui se vit jamais, et éteint les plus beaux yeux ; tu as délié du nœud le plus charmant et le plus beau, l’esprit le plus enflammé d’ardentes vertus.

En un instant, tu m’as ravi tout mon bien ; tu as imposé silence aux plus suaves accents qui jamais s’entendirent, et moi, tu m’as rempli de gémissements. Tout ce que je vois m’est un ennui, comme tout ce que j’écoute.

Ma Dame revient bien — guidée qu’elle est par la piété — consoler tant de douleurs ; et je ne trouve pas d’autre secours en cette vie.

Et si je pouvais redire comment elle parle et comment elle brille, j’enflammerais d’amour, je ne dirai pas un cœur d’homme, mais un cœur de tigre ou d’ours.


SONNET XVI.

Il se réjouit de l’avoir présente en sa pensée ; mais il trouve bien minime une telle consolation.

Si court est le temps et si rapide la pensée qui me rendent ainsi ma Dame morte, que pour une grande douleur le remède est petit ; pourtant, pendant que je la vois, je ne souffre plus.

Amour qui m’a lié et me tient en croix, tremble quand il la voit sur la porte de mon âme, où elle me tue encore tant elle est affable, tant sa vue est douce et sa voix suave.

Comme une dame en sa demeure, elle s’en vient al-