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pleurs de mes yeux l’herbe et ma poitrine, et frappant de mes soupirs l’air qui m’entoure !

Combien de fois, seul, plein de soupçons, je me suis jeté à travers les lieux ombreux et obscurs, cherchant avec la pensée mon souverain bien que la Mort m’a ravi, pour que je l’appelle toujours !

Tantôt je l’ai vue sous la forme d’une nymphe ou d’une autre déesse, qui sortait de l’endroit le plus clair de la Sorgue, et s’asseyant sur la rive ;

Tantôt je l’ai vue sur l’herbe fraîche fouler les fleurs comme une dame vivante, et montrant sur son visage qu’elle a compassion de moi.


SONNET XIV.

Il la remercie de ce qu’elle revient de temps en temps le consoler par sa présence.

Âme bienheureuse, qui souvent reviens consoler mes douloureuses nuits, avec tes yeux que la Mort n’a pas éteints, mais qui, au contraire sont devenus plus beaux que toute beauté mortelle ;

Combien je te sais gré de consentir à distraire mes tristes jours par ta douce vue ! Ainsi je commence à voir tes beautés reparaître en leurs séjours accoutumés.

Là où j’allai chantant de toi pendant de nombreuses années, maintenant, comme tu vois, je vais pleurant de toi ; de toi, non, mais de mes propres maux.

Le seul adoucissement que je trouve au milieu de mes angoisses, c’est, quand tu reviens, que je te reconnais et que je t’entends à la démarche, à la voix, au visage et aux vêtements.