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Mais non mes yeux, car un douloureux voile leur obstrue la lumière désirée, et me fait ainsi changer si vite de cheveux.


SONNET X.

Il désire mourir au plus vite, afin de la suivre avec son âme, comme il le fait avec sa pensée.

En sa saison la plus belle et la plus fleurie, alors qu’Amour a le plus d’empire sur nous, laissant dans la terre son enveloppe terrestre, ma Laure, ma vie, est partie loin de moi,

Et vivante, belle et nue, elle est montée au ciel ; de là elle me gouverne, de là elle me fait sentir sa force. Ah ! pourquoi le dernier jour, qui est le premier de l’autre vie, ne me délivre-t-il pas de mon enveloppe mortelle ?

Afin que, comme nos pensées s’en vont derrière elle, ainsi légère, délivrée et joyeuse, mon âme puisse la suivre, et que je sois hors d’un pareil martyre.

Tout retard ne me fait vraiment que porter dommage, et me rendre à moi-même un plus lourd fardeau. Oh ! qu’il eût été beau de mourir il y a aujourd’hui trois ans !


SONNET XI.

Où qu’il se trouve, il lui semble la voir, et quasi l’entendre.

Si la plainte des oiseaux, ou le bruit des verts feuillages doucement remués par la brise estivale, ou si le rauque murmure des ondes limpides se fait entendre sur quelque rive fleurie et fraîche,

Où, plein de pensées d’amour, je m’étais assis pour écrire, je vais, et j’écoute, et j’entends celle que le