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ver dans la terre mon bien-aimé trésor, qui est caché à mes regards, ce qui est une grande privation pour moi ; va trouver ce cœur sage et pudique où ma vie habite toujours ; et s’il est vrai que ta puissance dans le ciel et dans l’enfer soit aussi grande qu’on le dit — car ce que tu veux et ce dont tu es capable ici-bas parmi nous, je crois que tout noble cœur le sait — reprends à la Mort ce qu’elle nous a enlevé, et répands de nouveau tes charmes sur le beau visage.

Replace dans le beau regard la vive lumière qui était mon guide, et la flamme suave qui m’enflamme toute éteinte qu’elle est. — Que faisait-elle donc quand elle brûlait ? — Et jamais on ne vit cerf ni daim chercher source ni fleuve avec autant d’avidité, que je retourne moi-même à la douce habitude qui m’a déjà tant causé d’amertume et dont j’en attends plus encore, si je me connais bien moi-même et si je connais bien le désir qui me fait m’égarer rien que d’y penser, qui m’entraîne là où le chemin vient à manquer, et pousse mon âme fatiguée à la poursuite d’une chose que je n’espère jamais atteindre. Maintenant, je dédaigne de venir à ton appel, car tu n’as point de pouvoir hors de ton royaume.

Fais-moi sentir cette brise gentille qui vient du dehors, comme je sens encore celle qui souffle en moi, et qui, par ses chants, avait le pouvoir d’apaiser l’indignation et les colères, de rasséréner l’esprit tempétueux, d’en chasser tout nuage vil et sombre, et qui élevait mon style au-dessus de lui-même, là où maintenant il ne pourrait atteindre. Égale l’espérance au désir, et puisque l’âme est plus forte dans son raisonnement, rends aux yeux, rends aux oreilles leur objet propre, sans lequel leur œuvre est impar-