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Fuis la clarté et la verdure ; ne t’approche point des lieux où l’on rit, où l’on chante, ô ma chanson, mais bien des endroits où l’on pleure. Il n’est pas fait pour toi de rester parmi les gens joyeux, inconsolable veuve aux vêtements noirs.


SONNET II.

Il pleure la double perte de son ami Colonna et de sa Laure.

Elle est brisée la haute colonne, il est abattu le vert laurier qui ombrageait ma triste pensée ; j’ai perdu ce que je n’espère plus retrouver des plages Boréennes à celles de l’Auster, de la mer des Indes aux rivages Maures.

Tu m’as ravi, ô Mort, mon double trésor qui me faisait vivre heureux et marcher la tête haute ; et rien sur la terre ne peut me le faire recouvrer, ni empire, ni pierres d’Orient, ni monceaux d’or.

Mais si cela s’est fait du consentement du Destin, que puis-je davantage, sinon avoir l’âme triste, les yeux toujours humides de larmes, et le visage toujours baissé ?

Oh ! notre vie, qui est si belle en apparence, comme elle perd facilement, en une matinée, ce qu’on acquiert à grand’peine en de longues années !


CANZONE II.

Si Amour ne sait pas, et ne peut pas redonner la vie à Laure, il ne craint plus de tomber dans ses filets.

Amour, si tu veux que je retourne sous le joug d’autrefois, comme tu sembles en montrer le désir, il faut, pour me dompter, que tu surmontes d’abord une autre nouvelle et merveilleuse épreuve. Va trou-