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CANZONE I.

La mort de Laure lui enlève toute consolation, et il ne vivra que pour chanter ses louanges.

Que dois-je faire ? Que me conseilles-tu, Amour ? Il est bien temps de mourir ; et j’ai tardé plus que je ne voudrais. Ma Dame est morte, et elle a emporté mon cœur avec elle ; si je veux le suivre, il me faut interrompre le cours de ces années misérables ; car je n’espère plus la revoir ici-bas, et attendre m’est un ennui. Depuis que, par son départ, toute ma joie est changée en pleurs, la vie n’a plus aucune douceur pour moi.

Amour, tu vois combien est âpre et grave la perte dont je me plains avec toi ; et je sais que mon mal, ou plutôt le nôtre, te pèse et te fait souffrir, car nous avons brisé notre navire sur un même écueil, et le soleil s’est obscurci au même moment pour nous deux. Quel esprit pourrait exprimer par des paroles mon douloureux état ? Ah ! monde aveugle, ingrat ! tu as grand sujet de pleurer avec moi, car, avec elle, tu as perdu tout ce qu’il y avait de bien en toi.

Ta gloire est tombée, et tu ne le vois pas ; et tu n’étais pas digne, pendant qu’elle vécut ici-bas, de la connaître, ni d’être touché par ses pieds sacrés ; car une si belle chose devait orner le ciel de sa présence. Mais moi, hélas ! qui sans elle ne puis aimer ni la vie mortelle, ni moi-même, je la rappelle en pleurant. Voilà ce qui me reste de tant d’espérances ! voilà ce qui seul me soutient encore ici-bas.

Hélas ! il est devenu un peu de terre, son beau visage qui était parmi nous un continuel témoignage du ciel et du bien qui existe là-haut. Sa forme invisible