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ma courte toile ; et jamais fardeau ne fut aussi lourd que celui que je supporte en cet état ; car, avec la mort à mon côté, je cherche une nouvelle manière de vivre ; et je vois la meilleure et c’est la pire que je choisis.


SONNET CCV.

Laure est si sévère à son égard qu’elle le ferait mourir, s’il n’espérait la rendre compatissante.

Un cœur âpre et sauvage, une volonté cruelle sous une douce, humble et angélique figure, s’ils persévèrent longtemps dans leur entreprise rigoureuse, remporteront sur moi des dépouilles qui leur feront peu d’honneur.

Car soit que naisse et meure la fleur, l’herbe et la feuille, soit pendant la clarté du jour ou l’obscurité de la nuit, je pleure à toute heure. J’ai bien sujet de me plaindre de ma destinée, de ma Dame et d’Amour.

Je vis seulement d’espérance, me rappelant que j’ai déjà vu une petite goutte d’eau user, par une incessante persévérance, le marbre et les pierres les plus dures.

Il n’est pas de cœur si dur qu’à force de larmes, de prières, d’amour, on ne finisse par émouvoir, ni de si froide volonté qu’on ne réchauffe.


SONNET CCVI.

Il se plaint d’être loin de Laure et de Colonna, les deux seuls objets de son affection.

Mon cher Seigneur, chacune de mes pensées me pousse à aller vous voir, vous que je vois toujours ; ma destinée ― que peut-elle faire maintenant de