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poussé d’autre part, et je touche presque mon heure suprême.

L’un de mes pensers parle à mon esprit et dit : que veux-tu donc ? d’où attends-tu du secours ? Malheureux, ne vois-tu pas comme le temps s’enfuit à ton grand déshonneur ? Prends un parti prudent, prends-le, et arrache de ton cœur toute racine du plaisir qui ne peut jamais le rendre heureux et qui ne le laisse pas respirer. Si, depuis longtemps déjà, tu es fatigué et las de cette douceur fausse et fugitive que le monde trompeur peut donner aux hommes, pourquoi faire reposer davantage en lui ton espoir, puisqu’il est entièrement dénué de paix et de stabilité ? Pendant que ton corps est vivant, tu as en ta main le frein de tes pensers. Ah ! serre-le, maintenant que tu le peux ; car tout retard est dangereux, comme tu sais, et il ne sera plus temps désormais de commencer.

Tu sais déjà bien quelle douceur apporta à tes yeux la vue de celle que tu voudrais savoir encore à naître pour notre plus grande paix. Tu te souviens bien — et tu dois t’en souvenir — de son image, alors qu’elle courut à ton cœur, où peut-être aucun autre flambeau ne pouvait introduire la flamme ; Elle l’embrasa ; et si l’ardeur trompeuse a duré de longues années en attendant un jour qui, pour notre salut, n’est jamais venu, élève-toi maintenant à une plus heureuse espérance, en regardant le ciel qui tourne autour de toi, immortel et splendide. Car puisque votre désir, si heureux de son mal ici-bas, est apaisé par un mouvement d’yeux, une parole, un chant, combien sera grand le plaisir céleste, si celui-ci est tel ?

De l’autre côté, un penser aigre et doux, s’asseyant