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SONNET CXCVI.

Il appelle l’Aurore qui lui apporte le repos, et adoucit ses tourments de la nuit.

Soupirer après le soir, haïr l’aurore, voilà ce que font d’habitude ces amants calmes et joyeux ; pour moi, le soir redouble et ma douleur et mes larmes ; le matin est pour moi l’heure la plus heureuse.

Car souvent l’un et l’autre soleil se lèvent alors au même moment, comme deux orients, et si pareils de beauté et de lumière, que le ciel s’énamoure encore de la terre,

Comme il fit jadis, alors que se mirent à verdoyer les premiers rameaux qui ont jeté leurs racines dans mon cœur, et qui me font toujours aimer autrui plus que moi-même.

Ainsi font de moi les deux heures contraires ; et il est bien juste que j’appelle celle qui m’apaise, et que je craigne et haïsse celle qui me ramène l’ennui.


SONNET CXCVII.

Il se consume pour elle, et il s’étonne et s’indigne qu’elle ne le voie pas dans ses rêves.

Puissé-je tirer vengeance de celle qui me consume par ses regards et ses paroles, puis, pour comble de douleur, se cache et fuit, me dérobant ses yeux si doux et si meurtriers pour moi.

Ainsi elle épuise, en les consumant peu à peu, mes esprits affligés et las ; et comme un lion féroce, elle rugit la nuit sur mon cœur, alors que je devrais reposer.

L’âme, que la Mort chasse de sa demeure, se sé-