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tude, Amour, ma Dame, le monde et ma fortune, car je ne crois pas être jamais autre chose sinon heureux.

Que je brûle, que je meure ou que je languisse, il n’est pas sous la lune de plus noble état que le mien, si douce est la racine de mon amertume.


SONNET CLXXIV.

Triste parce qu’il était loin d’elle, il se réconforte en la revoyant et revient à la vie.

J’ai pleuré ; maintenant je chante ; car ce vivant Soleil ne cèle plus à mes yeux la céleste lumière où le chaste Amour révèle clairement sa douce force et sa sainte coutume.

C’est de là qu’il tire d’habitude un tel fleuve de larmes pour accourcir la trame de ma vie, que non seulement ni pont, ni gué, ni rames, ni voile, mais ni ailes, ni plumes, ne me peuvent sauver.

Mes pleurs étaient si profonds, et provenaient d’une si abondante veine, et si loin était la rive, qu’à peine y atteignais-je avec la pensée.

Ce n’est pas un laurier ou une palme, mais un placide olivier que la pitié m’envoie ; et elle rassérène le temps, et elle essuie mes pleurs, et elle veut que je vive encore.


SONNET CLXXV.

Il craint que la maladie d’yeux de Laure ne le prive de leur vue.

Je vivais content de mon sort, sans larmes et sans aucune envie ; car si un autre amant a plus heureuse fortune, mille plaisirs ne compensent pas un tourment.

Or, ces beaux yeux, qui font que jamais je ne