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Or, si je le chasse, et qu’il ne trouve pas dans son douloureux exil quelques secours en vous, comme il ne sait ni rester seul, ni aller où d’autres l’appellent,

Il pourra s’égarer de son chemin naturel, ce qui sera faute grave pour nous deux, et d’autant plus grave pour vous qu’il vous aime davantage.


SIXAIN I.

Il expose son état misérable. Il n’en accuse pas Laure ; il réclame sa pitié et désespère de l’obtenir.

Pour tous les animaux qui vivent sur la terre, excepté quelques-uns qui ont le soleil en haine, il est temps de travailler tant qu’il fait jour ; mais dès que le ciel a allumé ses étoiles, celui-ci, retourne à sa demeure, celui-là s’abrite dans les bois pour avoir du repos au moins jusqu’à l’aube.

Et moi, dès que la belle aube commence à secouer l’ombre d’autour de la terre, réveillant les animaux par tous les bois, je n’ai pas de trêve à mes soupirs tant que brille le soleil ; puis, quand je vois flamboyer les étoiles, je vais pleurant et désirant le jour.

Quand le soir chasse la clarté du jour, et que nos ténèbres font l’aube pour l’autre hémisphère, je regarde, pensif, les cruelles étoiles qui m’ont fait d’un peu de terre sensible, et je maudis le jour où je vis le soleil ; car cette existence me fait ressembler à un homme nourri dans les forêts.

Je ne crois pas qu’ait jamais pâturé par les forêts, de nuit ou de jour, une bête si cruelle que celle pour qui je pleure à l’ombre et au soleil ; et, de l’heure du premier somme à l’aube, je ne suis jamais las de