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SONNET CLXXII.

Laure a pris racine dans son cœur ; elle y croît et il la porte partout avec lui.

Amour de sa main droite m’ouvrit le flanc gauche, et il y planta au beau milieu du cœur un laurier si vert, que sa couleur aurait bien vaincu et effacé toute émeraude.

Le soc de ma plume, ainsi que les soupirs de mon flanc, et la douce rosée qui pleuvait de mes yeux, l’embellirent tellement, que l’odeur en parvint jusqu’au ciel, et je ne sais si l’odeur d’autres feuillages y est jamais parvenue.

La renommée, l’honneur, la vertu et la grâce, la beauté chaste en un maintien céleste, sont les racines de la noble plante.

Telle je la trouve en mon sein, où que je sois ; heureux fardeau, qu’avec de pieuses prières j’adore comme une chose sainte, et devant lequel je m’incline.


SONNET CLXXIII.

Bien qu’en proie à toutes sortes d’angoisses, il pense être le plus heureux des hommes.

J’ai chanté ; maintenant je pleure, et je n’éprouve pas moins de douceur à pleurer, que j’en ai éprouvé à chanter ; car mes sens, épris seulement de grandeur, ne prêtent attention qu’à la cause et non à l’effet.

De là vient que mansuétude et dureté, traitements cruels, favorables ou courtois, je supporte tout également, et qu’aucun fardeau ne me pèse ; de même que les coups de l’indignation ne peuvent briser mes armes.

Donc, qu’agissent envers moi suivant leur habi-