Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pleurer sans cesse est mon suprême plaisir ; rire est ma douleur suprême ; la nourriture est pour moi absinthe et poison ; la nuit m’est une angoisse ; le ciel serein est obscur pour moi, et mon lit est un cruel champ de bataille.

Le sommeil est vraiment, comme on dit, le frère de la mort ; et il soustrait le cœur à la douce pensée qui le tient en vie.

Pays unique au monde, heureux et sublime, vertes rives, plages ombreuses et fleuries, vous possédez mon bien, et moi je le pleure.


SONNET CLXXI.

Il envie le sort de la brise qui souffle, et du fleuve qui parcourt le pays habité par Laure.

Brise qui enveloppes et agites ses cheveux blonds et crespelés, et qui es doucement agitée par eux ; qui éparpilles ce doux or, puis le rassembles et le tords en nœuds gracieux,

Tu te tiens dans les yeux dont les amoureux aiguillons me poignent si fort, que je le ressens jusqu’ici et que j’en pleure ; et, vacillant, je cherche mon trésor, comme un animal qui, souvent, prend ombrage et trébuche.

Car tantôt il me semble le retrouver, et tantôt je m’aperçois que j’en suis loin ; tantôt je m’élève, tantôt je retombe ; car tantôt je vois ce que je désire et tantôt ce qui est réel.

Air bienheureux, reste avec le beau rayon vivant. Et toi, courant et clair ruisseau, que ne puis-je changer de cours avec toi !