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vaincu ? Et si je m’en échappe, devrai-je m’en étonner ; si je meurs, devrai-je considérer cela comme un mal ?

Ce n’est pas un mal, mais un bien, si doux se maintiennent en mon cœur les étincelles et l’éclatante lueur qui l’éblouissent et le rongent, et dont moi-même je suis consumé ; et voici déjà la vingtième année que je brûle.

Je sens les messagers de mort, alors que je vois les beaux yeux apparaître et flamboyer de loin ; puis s’il arrive qu’en l’approchant elle les tourne sur moi,

Amour m’oint et me point d’une telle douceur, que je ne puis y repenser, loin de pouvoir le redire ; car ni génie, ni langue ne peuvent atteindre à la vérité.


SONNET CLXVI.

Ne la trouvant pas avec ses amies, il leur demande pourquoi.

— Dames joyeuses et pensives, réunies et seules, qui vous en allez, vous entretenant, par le chemin, savez-vous où est ma vie, où est ma mort ? Pourquoi n’est-elle pas avec vous, suivant son habitude ?

— Nous sommes joyeuses du souvenir de ce soleil ; dolentes à cause de sa douce compagnie, dont nous prive l’envie et la jalousie, laquelle se plaint du bien d’autrui comme de son propre mal.

Qui donc impose un frein aux amants, ou leur donne des lois ? Personne, en ce qui concerne l’âme ; quant au corps, c’est la colère et la cruauté. Elle l’éprouve maintenant, comme parfois nous l’éprouvons par nous-mêmes.

Mais souvent le cœur se lit sur le front ; ainsi nous