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et mon cœur dans la douleur ; et parmi les animaux, je suis si bien le dernier, que les traits amoureux me tiennent constamment éloigné de toute paix.

Hélas ! d’un soleil à l’autre et de l’une à l’autre nuit, j’ai déjà parcouru la plus grande partie de cette mort qu’on appelle la vie.

C’est bien plus la faute d’autrui que mon mal qui me fait souffrir ; car la pitié vivante et mon fidèle secours me voient brûler dans le feu, et ne me viennent point en aide.


SONNET CLXI.

Il se repent de s’être laissé emporter à l’indignation contre une beauté qui lui rend encore la mort douce.

Déjà j’ai voulu exhaler ma si juste plainte, et me faire entendre en si brûlantes rimes, qu’une flamme de pitié se fît sentir au cœur endurci qui reste glacé en plein été ;

Et que l’impitoyable nue qui le refroidit et le voile, se rompît au souffle de mon ardente parole ; ou bien que celle qui me cache ses beaux yeux, ce qui me ronge, devînt odieuse aux autres.

Maintenant je ne cherche pas la haine pour elle, mais la pitié pour moi ; car je ne veux pas l’une et je ne puis pas avoir l’autre. Ainsi l’exige mon étoile, ainsi l’exige ma cruelle destinée.

Mais je chante sa divine beauté, afin que, lorsque je serai délivré de cette chair, le monde sache que ma mort est douce.