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et je chasse une biche errante et fugitive monté sur un bœuf boiteux, malade et lent.

Aveugle, et fatigué pour toute autre chose que pour courir à mon propre dommage que je cherche jour et nuit le cœur palpitant, j’appelle uniquement Amour, ma Dame et la Mort.

Ainsi pendant vingt ans — lourd et long martyre ! — je n’ai connu que les larmes, les soupirs et la douleur, tellement m’a été fatale l’étoile où j’ai mordu à l’appât et à l’hameçon.


SONNET CLVIII.

Laure, par sa grâce, fut pour lui une véritable enchanteresse qui l’a transformé.

Ces grâces que le ciel accorde si largement à bien peu ; cette rare vertu, que l’espèce humaine ne connaît point ; cet esprit mûr sous des cheveux blonds ; cette haute et divine beauté en une humble dame ;

Ce charme étrange et précieux ; ce chant qui va jusqu’à l’âme ; cette démarche céleste, ce souffle ardent qui adoucit toute chose dure, et force toute grandeur à s’incliner ;

Ces beaux yeux qui font les cœurs d’émail, assez puissants pour éclairer l’abîme des nuits, et ravir l’âme du corps et la donner à autrui ;

Ce parler plein de pensers doux et élevés, et ces soupirs si suavement entrecoupés, voilà les magiciens qui m’ont transformé.


SIXAIN VI.

Il raconte l’histoire de son amour, et la difficulté qu’il a à s’en débarrasser. Il invoque l’aide de Dieu.

Depuis trois jours une âme était créée dans un corps disposé à porter ses soins sur les choses nobles et