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SONNET XIV.

Afin de moins aimer Laure, il fuit, mais en vain, la vue de son beau visage.

Quand je suis tout entier tourné du côté où luit le beau visage de ma Dame, et qu’il m’est resté en la pensée la lumière qui me brûle et me détruit en dedans tout entier ;

Moi qui ai peur du cœur qui me brise ainsi, et qui me vois près de la fin de ma belle lumière, je m’en vais comme un aveugle privé de la clarté, qui ne sait où il va et qui cependant part.

Ainsi devant les coups de la Mort je fuis ; mais non si vite que le désir ne vienne avec moi, comme de venir il a coutume.

Je vais silencieux ; car mes paroles de mort feraient pleurer les gens, et je désire que mes larmes coulent seules.


SONNET XV.

Il se compare au papillon qui va se brûler à la flamme qu’il chérit.

Il y a des animaux au monde dont la vue est si forte, qu’elle résiste même au soleil ; d’autres, parce que la grande lumière les offusque, ne sortent que vers le soir.

Et d’autres, au fol désir, qui espèrent peut-être jouir dans le feu parce qu’il brille, éprouvent son autre vertu, celle qui brûle. Las ! ma place est dans cette dernière catégorie.

Car je ne suis pas assez fort pour supporter la lumière de cette Dame, et je ne sais pas me servir des lieux ténébreux et des heures tardives.

Mais mon destin me pousse à la voir avec les yeux