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crêpelé qui lie et étreint si suavement mon âme, que j’arme d’humilité et non d’autre.

Son ombre seule fait se glacer mon cœur, et mon visage devenir blanc de peur ; mais ses yeux ont le pouvoir d’en faire un marbre.


SONNET CXLV.

Il ne peut redire les effets que font sur lui les yeux et les cheveux de Laure.

La brise suave déploie et agite l’or qu’Amour a filé et tissé de sa main ; par les beaux yeux et par les tresses mêmes de Laure, il lie mon cœur las, et ébranle mes esprits.

Je n’ai pas de moelle dans les os, ou de sang dans les veines, que je ne sente trembler, pour peu que je m’approche de celle qui souvent place et pèse la mort et la vie dans une même et frêle balance ;

Et quand je vois briller les lumières où je m’allume, et flamboyer les nœuds où je suis pris, tantôt sur son épaule droite, tantôt sur son épaule gauche,

Je ne puis le redire, car je ne le comprends pas : mon intelligence est éblouie par ces deux éclatantes lumières, en même temps qu’elle est oppressée et lasse de tant de douceur.


SONNET CXLVI.

Lui ayant dérobé un gant, il fait l’éloge de sa belle main, et se plaint d’avoir à le lui rendre.

Ô belle main qui me serres le cœur et enfermes ma vie en un si petit espace, main où la Nature et le Ciel ont déployé tout leur art et tous leurs soins, afin de se faire honneur ;

Doigts mignons, suaves, semblables par leur couleur