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et Charybde ; et au gouvernail se tient mon Seigneur, ou plutôt mon ennemi.

À chaque rame est une pensée emportée et mauvaise, qui semble avoir en dédain la tempête et la mort ; la voile se rompt sous un vent éternellement humide de soupirs, d’espérances et de désirs.

Une pluie de larmes, un nuage de dédains baigne et ramollit les haubans déjà fatigués et tout embarrassés dans l’erreur et l’ignorance.

Mes deux signaux habituels, si doux, se cachent ; la raison et l’habileté ont péri au milieu des vagues, de sorte que je commence à désespérer de gagner le port.


SONNET CXXXVII.

Il voit Laure dans une vision, et prédit sa mort.

Une biche toute blanche, avec des cornes dorées, m’apparut sur l’herbe verte, entre deux rivières, à l’ombre d’un laurier, au lever du soleil, en la jeune saison.

Son aspect était si doucement superbe, que je quittai tout pour la suivre ; comme l’avare qui, pour chercher un trésor, accepte avec joie tant de fatigues.

« Nul ne me touche ! » voilà ce qu’elle avait écrit sur son col, en lettres de diamants et de topazes ; « il a plu à mon César de me faire libre. »

Et le soleil était déjà à moitié jour ; mes yeux étaient fatigués de regarder, mais non rassasiés ; quand soudain je tombai dans l’eau, et elle disparut.