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des entreprises audacieuses. Voilà le fruit qui naît d’un tel arbre.


SONNET CXXI.

Il pense dans sa douleur qu’il vaut mieux souffrir par Laure, qu’être heureux par une autre dame.

Ce fut une cruelle étoile — si le ciel a sur nous l’influence que quelques-uns croient — que celle sous laquelle je naquis. Cruel fut le berceau où l’on me coucha, et cruelle la terre où je fis ensuite mes premiers pas.

Cruelle aussi la dame qui, avec ses yeux et avec l’arc dont j’étais l’unique cible, me fit une blessure que je ne t’ai pas cachée, ô Amour, car tu peux la guérir avec ces mêmes armes.

Mais tu prends plaisir à mes douleurs ; quant à elle, elle ne s’en réjouit pas, parce qu’elle ne les trouve pas assez grandes, et que le coup qu’elle m’a porté est d’une flèche et non d’un épieu.

Et tu me consoles en me disant que languir pour elle vaut mieux qu’être heureux par une autre ; et tu me le jures par tes flèches dorées, et je te crois.


SONNET CXXII.

Il se réjouit en se remémorant le temps et le lieu où il devint pour la première fois amoureux.

Quand se représente à ma mémoire le temps et le lieu où je me perdis moi-même, et le cher lien dont Amour m’enchaîna de sa main, d’une façon telle qu’il me rendit l’amertume douce et la plainte agréable,

Je suis tout à la fois soufre et matière inflammable,