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parole qui pût être comprise d’un autre que moi-même, tellement Amour m’a rendu tremblant et timide.

Et je vois bien maintenant qu’un amour excessif lie la langue de l’homme et lui enlève ses esprits. Celui qui peut dire comment il brûle, ne ressent qu’un petit feu.


SONNET CXVIII.

Que Laure lui soit sévère, il n’en continuera pas moins de l’aimer et de soupirer pour elle.

Amour m’a conduit entre de beaux et cruels bras, qui me tuent sans que je l’aie mérité ; et si je me plains, il redouble mon martyre ; aussi, comme je fais, il vaut mieux que je meure en aimant, et que je me taise.

Car elle pourrait, alors que le Rhin est le plus couvert de glaces, le brûler avec ses yeux et rompre tous ses durs glaçons. Et comme elle est aussi orgueilleuse que belle, il lui déplaît de plaire aux autres.

Quelque effort que je fasse, je ne puis détacher une parcelle du beau diamant dont son cœur si dur est fait ; le reste de sa personne est un marbre qui se meut et respire.

Mais, tout son dédain, pas plus que son air sombre, ne m’enlèveront jamais mes espérances et ne me feront cesser mes deux soupirs.


SONNET CXIX.

Il l’aimera constamment, bien qu’elle soit jalouse de l’amour même qu’il a pour elle.

Ô envie, ennemie de la vertu, qui t’opposes si volontiers aux sentiments généreux, par quel chemin