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SONNET CXVI.

Il tremble en voyant Laure courroucée. Quand il la voit apaisée, il voudrait lui parler, mais il n’ose.

Plein d’une ardente pensée qui me fait repousser toutes les autres et me fait aller seul au monde, je me dérobe de temps en temps à moi-même, cherchant celle que je devrais fuir.

Et je la vois passer si douce et si cruelle, que mon âme tremble, prête à prendre son vol, tant cette belle d’Amour, mon ennemie et mon amie, mène après elle de cuisants soupirs.

Si je ne me trompe pas, je distingue bien un rayon de pitié entre ses sourcils assombris et hautains, qui rassérène un peu mon cœur douloureux.

Alors je reprends mon âme, et quand je me suis bien résolu à lui découvrir mon mal, j’ai tant à lui dire que je n’ose pas commencer.


SONNET CXVII.

Par son exemple, il enseigne aux amants qu’au véritable amour il faut le silence.

Plus d’une fois déjà, trompé par les apparences de son air compatissant, j’ai conçu l’audace d’aborder mon ennemie avec des paroles respectueuses et courtoises, et dans une attitude humble et suppliante.

Mais aussitôt ses yeux rendent ma résolution vaine ; car toute ma fortune, toute ma destinée, mon bien, mon mal, et ma vie et ma mort, celui qui seul pouvait le faire a placé tout cela dans la main de Laure.

C’est pourquoi je n’ai jamais pu assembler une