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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

que j’apprendrai par des voies sûres et secrètes. Ces Mémoires-ci ne sont pas faits pour être imprimés ; je serai content d’eux pourvu qu’ils me fassent passer quelques quarts-d’heure sur mes vieux jours, et qu’ils puissent réjouir mes amis, à qui je me ferai un petit plaisir d’en faire la confidence. Au reste, en écrivant ceci, je ne crois pas manquer à ce que je dois à mon ami. Si je profite de son journal, je lui rends justice en disant franchement que j’en profite, et j’avoue ici que j’en ai tiré de fort bonnes choses. Après cet aveu, je ne crois pas être obligé de m’aller déceler présentement à celui que j’ai volé, et que je prétends voler encore : c’est l’homme du monde le plus volable sur ces sortes de matières. Il a été toute sa vie dans le plus fin de la cour ; il a tout su, il a tout vu de ses propres yeux. Il est vrai qu’il ne dit jamais rien : c’est le modèle d’un bon courtisan uniquement attentif au Roi, qu’il aime personnellement, et au moindre petit ministre, à qui il ne voudroit pas déplaire. Aussi ne comptai-je pas de tirer de lui aucune chose qui puisse être désavantageuse à quelqu’un : il sera pour mes Mémoires la source du bien ; et peut-être qu’à la cour de France il ne me sera pas impossible de trouver une source de mal, car pour y être bien instruit il faut savoir le bien et le mal.

Le roi Louis-le-Grand, en faisant la paix de Nimègue, étoit parvenu au comble de la gloire humaine. Après avoir en mille occasions fait ses preuves sur la conduite des armées et sur la valeur personnelle, il s’étoit désarmé lui-même au milieu de ses victoires ; et, se contentant de ses conquêtes, il avoit donné la paix à l’Europe aux conditions qui lui avoient plu.