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MÉMOIRES

année. La joie fut plus modérée à la naissance de monseigneur le Dauphin. Le Roi envoya à Paris l’abbé de Coislin, son premier aumônier, et l’abbé Fiot à Melun, délivrer les prisonniers ; et dépêcha des gentilshommes dans toutes les cours de l’Europe, pour y porter une nouvelle si importante. On remarqua, comme une chose assez singulière, qu’il eût fait l’honneur au duc Mazarin son sujet de lui envoyer à Brisach, où il étoit avec sa femme, le fils de Roze, secrétaire du cabinet, à qui le duc donna audience avec la même pompe qu’eût pu faire un souverain. Le jeune Roze lui dit, de la part du Roi, que Sa Majesté lui faisoit part de la bénédiction que Dieu avoit répandue sur son mariage ; et qu’elle lui ouvroit son cœur avec d’autant plus de joie, qu’il étoit l’héritier et portoit le nom de ce grand homme qui avoit fait le bonheur de la France par la paix des Pyrénées. Roze étoit alors fort bien avec le Roi : il y avoit plus de trois ans qu’il étoit secrétaire du cabinet, sans pourtant avoir quitté le service du cardinal. Il avoit de l’esprit, de la capacité, écrivoit facilement, et plaisoit à son maître. Il m’a conté qu’il n’avoit jamais signé pour le Roi qu’une fois en sa vie. La cour étoit en Provence. La nouvelle y vint de l’extrémité où étoit M. le duc d’Orléans : le Roi manda à Roze, qui étoit à Aix auprès du cardinal, d’écrire une lettre de compliment à Madame, et de la signer Louis ; et écrivit en même temps au cardinal d’ordonner à Roze de le faire. Roze se le fit commander quatre fois, conjurant le cardinal de faire la signature, puisque personne au monde ne savoit mieux que lui contrefaire toutes sortes d’écritures, et dans une si grande per-