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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

Brienne vouloit s’en aller, de peur de l’incommoder. Il le pria de s’asseoir au chevet de son lit, et lui dit avec un air gai : « Monsieur, vous êtes de mes amis » (ils s’étoient raccommodés depuis trois ou quatre mois, et le surintendant lui avoit fait payer seize mille francs sur ce qui lui étoit dû de ses pensions). Il lui dit donc : « Vous êtes de mes amis ; je vais m’ouvrir à vous. Colbert est perdu, et ce sera demain le plus beau jour de ma vie. » Il lui demanda ensuite s’il n’y avoit rien de nouveau à la cour. Brienne lui dit que ce matin-là on n’entroit plus chez le Roi par le chemin ordinaire ; qu’il falloit passer l’un après l’autre par un petit corridor fort étroit ; que Roze, secrétaire du cabinet, écrivoit sur une petite table dans ce corridor, et qu’il étoit obligé de se lever à chaque personne qui passoit ; que M. de Gesvres, capitaine des gardes du corps en quartier, et Chamarante, premier valet de chambre, étoient seuls à la porte du cabinet ; que le Roi y avoit été enfermé tout le matin, et que quand il étoit entré dans le cabinet, le Roi avoit jeté un grand morceau de taffetas vert sur une table couverte de papiers ; que tous ces petits changemens donnoient à raisonner aux courtisans. Il n’ajouta pas qu’il venoit de voir dans sa rue, à cent pas de sa porte, deux mousquetaires qui paroissoient y être par ordre, et qui l’avoient fort examiné en passant. Fouquet lui dit que tout cela regardoit Colbert ; et Brienne n’osa lui dire qu’il n’en croyoit rien.

Brienne étant retourné au château rendre compte de sa commission, trouva l’appartement du Roi ouvert à son ordinaire : on ne passoit plus par le corridor. Le Roi lui ordonna de retourner le soir chez