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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

Roi étoit le plus grand prince du monde, le mieux fait, et autres mêmes propos : mais la demoiselle, fière du secret de son cœur, coupa court, et dès le soir s’en plaignit au prince, qui n’en fit pas semblant, et ne l’oublia pas. Madame Du Plessis-Bellière, amie de Fouquet, l’avoit aussi attaquée, en lui disant que M. le surintendant avoit vingt mille pistoles à son service ; et, sans se fâcher, elle lui avoit répondu que vingt millions ne lui feroient pas faire un faux pas : ce qui avoit fort étonné la bonne confidente, peu accoutumée à de pareilles réponses[1].

Le Roi étoit donc résolu de perdre Fouquet ; mais sa charge de procureur général du parlement étoit un rempart à l’abri duquel il sembloit être en sûreté. À peine sortoit-on des guerres civiles, où la puissance de cette compagnie n’avoit que trop éclaté : il n’étoit pas à propos de lui fournir de nouveaux sujets de plaintes en faisant faire le procès par des commissaires à l’un de ses principaux officiers, et d’ailleurs s’en remettre au jugement de cent cinquante personnes qui veulent tous opiner longuement ; c’étoit la mer à boire, et peu d’assurance d’une bonne justice. Il falloit donc persuader à Fouquet de vendre sa charge de procureur général ; et la chose n’étoit pas aisée. Colbert, par son propre intérêt, mêlé d’un peu de zèle, se chargea de la commission ; et, pour en venir à bout, il fit les démarches les plus humbles pour s’insinuer dans l’esprit de Fouquet. Il le prit par les louanges, et fit si bien que ses manières soumises

  1. À de pareilles réponses : Ce passage fortifie les soupçons relatifs à madame Du Plessis-Bellière. (Voyez les Mémoires de Conrart, tome 48 de cette série, pages 256 et suiv.)