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MÉMOIRES

dissent le respect, et ne lui fissent des demandes qu’il lui seroit impossible de leur accorder (« il faut, lui disoit-il, prendre un visage sérieux et sévère dès qu’ils vous demanderont quelque chose ») ; à cultiver avec soin le talent royal de la dissimulation, que la nature lui avoit prodigué ; à se défier de tous ceux qui approcheroient de sa personne, sans même en excepter ses ministres, devant être bien persuadé qu’ils ne songeroient tous qu’à le tromper ; à garder dans les affaires un secret impénétrable, qui seul les peut faire réussir ; et à toujours promettre aux Français, sans se mettre beaucoup en peine de leur tenir.

Il lui recommandoit encore de n’être pas cruel : « Prenez leur argent, lui disoit-il, mais épargnez leur sang ; » et c’est une maxime que le cardinal a toujours suivie.

« Vous êtes trop bon, monseigneur, lui disoit un jour Ondedei ; si vous faisiez quelque exemple de sévérité, on vous obéiroit mieux. — Oui, lui répliqua-t-il ; mais on me haïroit davantage. » Il faut tomber d’accord que la plupart de ses maximes étoient fort bonnes ; et que s’il y en a quelqu’une dont un honnête homnre ne voudroit pas se servir, il n’y en a point qu’un bon politique ne puisse et ne doive mettre en œuvre.

Le cardinal, par ces grands mots, prétendoit imposer au peuple, se souciant assez peu, au moins dans les commencemens, que le Roi en profitât. Il songeoit moins à en faire un grand prince, qu’un bonhomme, doux, tendre et complaisant, qui, satisfait de ses maisons de plaisance et du commandement de ses mousquetaires, le laissât maître de l’État. Il ne lui trouvoit