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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

LIVRE SECOND.

Les guerres civiles, qui plus d’une fois avoient mené le cardinal Mazarin à deux doigts de sa ruine, n’avoient servi qu’à faire voir la grandeur de son courage et les ressources de sa fortune. Il s’étoit trouvé, à sa première sortie de France, abandonné de tout le monde, avec six mille pistoles pour tout bien, lui qui s’étoit vu le maître de tous les trésors du royaume. Il se repentit de son peu de prévoyance, et jura bien de ne pas retomber dans le même cas. Il tint parole fort exactement ; et lorsqu’il sortit de France la seconde fois, il avoit envoyé plus de quatre millions à Rome, à Venise, en Hollande et en Angleterre. Aussi parut-il plus sur de son retour ; et, les conseils qu’il envoyoit à la Reine étoient tous faits comme des ordres, qu’on exécutoit aussitôt.

La majorité du Roi n’avoit rien changé au gouvernement le cardinal gouvernoit, et prenoit ses mesures pour gouverner toujours. Il est vrai qu’il entretenoit le Roi de ses affaires, ou du moins qu’il le disoit. Ses amis faisoient sonner bien haut les leçons de politique qu’il lui donnoit assez rarement ; car j’ai ouï dire au vieux maréchal de Villeroy, qui y étoit quelquefois présent, que toutes ses leçons rouloient sur des maximes générales, et aboutissoient à tenir les princes du sang le plus bas qu’il pourroit ; à ne se point trop familiariser avec ses courtisans, de peur qu’ils ne per-