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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

La Rochefoucauld, qui étoit déjà rentré la poussa rudement, et mit la barre derrière. Ainsi le coadjuteur se trouva pris et fort serré dans la porte, sans pouvoir avancer ni reculer. Il y demeura un miserere, entendant de ses oreilles dans la grand’salle un tailleur nommé Pêche, qui le menaçoit de lui donner cent coups de poignard. Mais heureusement pour lui un bourgeois s’étoit mis devant la porte, et le cachoit avec son manteau. Il y auroit été plus long-temps sans M. de Champlâtreux, fils du premier président Mole. qui, étant venu par hasard à la porte pour sortir, le vit en cet état-là, leva vite la barre, et le fit entrer. Le coadjuteur, pâle comme la mort, se mit à sa place, conta son aventure, et dit plusieurs fois : « Messieurs, il n’a pas tenu à M. de La Rochefoucauld que je n’aie été assassiné. » Puis se tournant vers le premier président : « C’est à monsieur votre fils, lui dit-il, que je dois la vie ; » et depuis ce temps-là le coadjuteur eut une grande reconnoissance pour M. de Champlâtreux, dont l’action avoit été d’autant plus belle qu’il étoit alors absolument dans les intérêts de M. le prince. Le coadjuteur m’a conté toutes ces particularités à Rome dans le conclave : il avoit la goutte, et je lui tenois compagnie ; et quoiqu’il exagérât souvent dans ses récits, ce fait est véritable, et attesté par tout le monde.

Les choses en étoient là, lorsqu’on jugea au parlement un petit incident pour l’instruction du procès entre M. le prince et les frondeurs. L’affaire fut fort disputée, et passa de cinq ou six voix à l’avantage de M. le prince. Cela fit faire de grandes réflexions au cardinal Mazarin. Il étoit déjà fort fatigué des de-