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DE CONRART. [1652]

Pendant qu’ils faisoient tout ce vacarme, ils crioient qu’il falloit assommer le prévôt des marchands, parce que c’étoit un mazarin, et qu’il avoit enlevé le blé de la halle pour en envoyer deux bateaux à Saint-Germain : ce qui avoit fait enchérir le pain de beaucoup, quoique jamais il n’y eût eu plus de blé par tous les marchés que ce jour-là, et que renchérissement du pain ne vînt que de l’avarice des boulangers, qui vouloient profiter des désordres publics.

Le soir, toute la nuit, et le mercredi matin, on battit le tambour presque par toutes les rues et en plusieurs quartiers ; on fut sous les armes toute la nuit, plusieurs compagnies de bourgeois furent placées, le matin du mercredi premier de mai, aux avenues des marchés et des places publiques, pour empêcher les mutins de s’attrouper, et que l’on ne pillât le pain et les autres vivres que les particuliers acheteroient, comme on avoit fait les deux jours de marché précédens : ce qui ne laissa pas d’être fait encore par des filous, qui disoient hautement qu’ils alloient, en un tel ou en un tel quartier, au fourrage, pour dire qu’ils alloient voler. Il y en eut dix qui volèrent Colbert, l’un des secrétaires du cardinal Mazarin[1], comme

  1. Du cardinal Mazarin : Il étoit intendant de la maison du cardinal, qualité qu’il prend lui-même dans une lettre adressée à cette Éminence le 9 avril 1655, pour lui rendre grâce des bienfaits dont elle l’avoit comblé. Colbert ayant fait imprimer cette lettre contre l’avis de Fouquet, s’en repentit tellement, qu’il fit retirer tous les exemplaires de cet écrit qu’il lui fut possible de recouvrer ; de sorte qu’il est aujourd’hui de la plus grande rareté. Cette pièce a été depuis réimprimée dans les Mémoires pour servir à l’histoire D. M. R., 1668, petit in-12, page 350. Ce volume, qui contient des vérités très-sévères sur Colbert et sur son origine, n’est pas un libelle ; mais il est très-rare, parce que le ministre eut un grand intérêt à le faire disparoître.